
C’est une petite phrase dans la Loi de finances 2026… mais un grand pas pour le système bancaire tunisien. À partir du 1er janvier 2026, les Tunisiens résidant en Tunisie pourront ouvrir des comptes en devises sans autorisation préalable, une mesure inédite depuis l’indépendance.
Longtemps très encadrée, la gestion des devises connaît ainsi un assouplissement historique, censé faciliter la vie des citoyens tout en répondant à des enjeux macroéconomiques majeurs.
Jusqu’à présent, l’ouverture d’un compte en devises était strictement limitée et réservée à des profils spécifiques. Avec la Loi de finances 2026, l’État change de cap : les personnes physiques tunisiennes résidentes peuvent désormais détenir et gérer des devises étrangères au sein du système bancaire national, sans démarches administratives lourdes.
Cette mesure, prévue par l’article 81 de la loi, marque une volonté claire de libéralisation progressive du régime de change.
La réforme s’adresse exclusivement :
aux Tunisiens de nationalité tunisienne,
résidant en Tunisie,
et aux personnes physiques.
Les entreprises, elles, restent pour l’instant exclues du dispositif.
La loi autorise plusieurs sources, sans autorisation préalable :
transferts depuis d’autres comptes en devises ou en dinars convertibles,
affectation de l’allocation touristique annuelle,
réinvestissement automatique des intérêts bancaires, sous réserve des conditions fixées par la Banque Centrale de Tunisie (BCT).
L’objectif est clair : inciter les citoyens à déposer leurs devises dans le circuit bancaire formel, plutôt que de les conserver en espèces ou à l’étranger.
Les titulaires pourront utiliser leurs comptes pour :
des paiements à l’étranger (services en ligne, abonnements, achats),
des retraits en devises pour les voyages,
des virements vers d’autres comptes en devises.
Une règle demeure toutefois intangible : le compte ne pourra jamais être débiteur. Autrement dit, seules les sommes effectivement disponibles pourront être utilisées.
Autre signal fort : les intérêts générés par ces comptes seront taxés à 0,01 % seulement. Une imposition presque symbolique, pensée comme un levier incitatif pour encourager l’ouverture de comptes et renforcer l’épargne en devises.
Pour l’État, les enjeux dépassent largement le simple confort des usagers. Cette réforme vise à capter les devises circulant dans l’informel, à faciliter les échanges internationaux, à renforcer la transparence financière et à moderniser le système bancaire tunisien en l’alignant sur les pratiques internationales. Bien qu’elle cible principalement les résidents, cette mesure pourrait également renforcer les liens financiers avec la diaspora tunisienne.
Si le principe est acté, les détails pratiques dépendront des textes d’application de la Banque Centrale de Tunisie. Les banques auront également besoin d’un délai pour adapter leurs systèmes et leurs procédures.
Avec l’autorisation des comptes en devises pour les résidents, la Tunisie engage une réforme sensible mais stratégique, traduisant une approche fondée davantage sur la confiance que sur la restriction.
Reste à voir comment cette avancée sera mise en œuvre sur le terrain et si elle tiendra toutes ses promesses.