Diaspora et tourisme : les assurances-vie de l'économie tunisienne

Analyse macro économique
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mannana dbibi déc. 9, 2025, 2:02 PM

Dans un environnement mondial marqué par l'incertitude géopolitique et la fragmentation économique, la Tunisie a réussi à consolider ses comptes extérieurs en 2024. Selon le dernier rapport de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), cette performance repose essentiellement sur deux piliers indéfectibles : une saison touristique record et une diaspora plus solidaire que jamais.

L'année 2024 s'annonçait complexe. Entre une croissance modeste en zone euro (principal partenaire de la Tunisie) et des tensions sur les marchés internationaux, l'économie tunisienne a pourtant affiché une capacité de résistance notable. L'indicateur le plus probant de cette embellie est la réduction significative du déficit courant, ramené à -1,6% du PIB (soit -2,6 milliards de dinars), contre -2,3% en 2023 et -8,8% en 2022. Si la reprise de l'huile d'olive y a contribué, ce sont surtout les flux de devises générés par le tourisme et les Tunisiens Résidents à l'Étranger (TRE) qui ont permis de compenser le creusement du déficit commercial et de maintenir le navire à flot.

Le tourisme franchit un cap historique

Le secteur touristique confirme son rôle de locomotive pour l'entrée de devises. Pour la première fois de son histoire, la Tunisie a franchi le seuil symbolique des 10 millions de visiteurs non-résidents (+9,5% par rapport à 2023). Cette affluence s'est traduite par une hausse des recettes touristiques de 9,8%, atteignant 7,6 milliards de dinars.

Le rapport de la BCT souligne que cette dynamique ne repose pas uniquement sur le modèle balnéaire classique. Une stratégie de diversification porte ses fruits, avec une montée en gamme vers le tourisme médical, d'affaires, et écologique. Les marchés européens restent dominants, générant près de deux tiers des recettes (4,9 milliards de dinars), mais l'Algérie s'impose comme un partenaire incontournable avec près de 3,5 millions de visiteurs.

La diaspora : un filet de sécurité financière à 10 milliards

Si le tourisme est le visage visible de la reprise, les Tunisiens de l'étranger en sont le soutien silencieux mais vital. Les revenus du travail (transferts en espèces et apports en nature) ont bondi de 12,7% pour frôler la barre des 9,9 milliards de dinars.

Ce chiffre impressionnant s'explique par deux facteurs. D'une part, la généralisation des solutions de transfert digital a facilité les flux financiers (8,3 milliards de dinars en espèces). D'autre part, les nouvelles dispositions fiscales de la loi de finances 2024 (avantage FCR) ont dopé les apports en nature, notamment les importations de véhicules, qui ont explosé de 44,4%.

La géographie de ces transferts reste ancrée en Europe (88% du total). Si la France conserve sa place de leader incontesté (4,2 milliards de dinars), l'Allemagne confirme sa montée en puissance en se hissant à la deuxième place (1,9 milliard de dinars), devançant désormais l'Italie (1,4 milliard de dinars), pourtant deuxième pays d'accueil en nombre de résidents.

Un bouclier pour le dinar et les réserves

La combinaison de ces deux flux financiers joue un rôle macroéconomique critique. En 2024, les recettes touristiques et les revenus du travail ont permis de couvrir 57,7% du déficit commercial de la Tunisie.

C'est ce "matelas" de devises qui a permis à la Banque Centrale de consolider les avoirs nets en devises, qui s'établissent à 27,3 milliards de dinars à la fin de l'année 2024(soit 121 jours d'importation), et de garantir une quasi-stabilité du taux de change du Dinar face à l'Euro et au Dollar.

En somme, si l'économie tunisienne fait face à des défis structurels persistants, notamment énergétiques, l'année 2024 a démontré que son attractivité touristique et l'attachement de sa diaspora constituent, aujourd'hui plus que jamais, ses assurances-vie les plus fiables.

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