Commerce extérieur : Le déficit s'envole à 20 milliards de dinars

Le déficit commercial de la Tunisie s'est aggravé de 20% en 2025 pour atteindre 20,2 milliards de dinars sur les onze premiers mois, contre 16,8 milliards sur la même période en 2024. La facture énergétique et l'atonie des exportations plombent la balance commerciale, selon les dernières données de l'INS.

Un déficit qui se creuse de 20% en un an

Les chiffres publiés vendredi par l'Institut National de la Statistique (INS) dressent un tableau préoccupant de la balance commerciale tunisienne. Le déficit commercial a atteint 20 168,5 millions de dinars durant les onze premiers mois de 2025, marquant une dégradation significative par rapport aux 16 758,5 millions de dinars enregistrés sur la même période en 2024. Le taux de couverture des importations par les exportations s'est replié à 74,2%, contre 77,3% un an auparavant, témoignant d'une économie qui peine à générer suffisamment de devises pour financer ses besoins.

Cette détérioration s'explique principalement par un déséquilibre profond entre l'évolution des exportations et celle des importations. Les exportations tunisiennes ont atteint 57 916,6 millions de dinars, en progression modeste de 1,5% seulement. Dans le même temps, les importations ont grimpé à 78 085,1 millions de dinars, creusant ainsi un écart de plus de 20 milliards de dinars.

L'énergie, principal coupable

Le groupe des produits énergétiques reste le principal contributeur au déficit avec 10 308,4 millions de dinars, en légère hausse par rapport aux 9 812 millions de dinars de 2024. Cette facture énergétique écrasante reflète la dépendance structurelle de la Tunisie aux importations de pétrole, de gaz et de produits raffinés, dans un contexte où l'effondrement de la production locale maintient le déficit à un niveau critique, et ce, bien que les prix internationaux de l'énergie restent bas. Les matières premières et demi-produits contribuent également lourdement au déficit avec 5 514 millions de dinars, suivis des biens d'équipement à hauteur de 3 268,8 millions de dinars et des biens de consommation pour 1 952,9 millions de dinars.

Le groupe alimentation affiche un excédent de 875,5 millions de dinars, porté notamment par les exportations de produits agricoles et agroalimentaires. Toutefois, cet excédent reste largement insuffisant pour compenser les déficits abyssaux des autres secteurs. Hors énergie, le déficit de la balance commerciale se réduit à 9 860,1 millions de dinars, ce qui représente tout de même près de la moitié du déficit global et témoigne de problèmes structurels dépassant la seule question énergétique. 

Des exportations en berne, tirées par les phosphates

L'analyse sectorielle des exportations révèle des évolutions contrastées qui masquent des difficultés profondes. Le secteur des mines, phosphates et dérivés enregistre une hausse encourageante de 12%, confirmant le rebond progressif de ce pilier historique de l'économie tunisienne après plusieurs années de turbulences. Les industries mécaniques et électriques affichent également une progression solide de 7,8%, tirée par la demande européenne en câblage automobile et composants électroniques.

En revanche, plusieurs secteurs stratégiques sont en recul. Le secteur de l'énergie s'effondre de 29,6%, conséquence directe de la diminution drastique des ventes de produits raffinés qui passent de 1 755,4 millions de dinars à seulement 899,5 millions de dinars. 

Les industries agroalimentaires reculent de 11,2%, principalement en raison de la baisse des exportations d'huile d'olive qui tombent de 4 456,2 millions de dinars à 3 470,7 millions de dinars, reflétant une concurrence accrue sur les marchés internationaux. Le secteur textile, habillement et cuirs, pilier traditionnel des exportations tunisiennes, accuse un repli de 1,8%, signe d'une compétitivité qui s'érode face aux concurrents asiatiques et à la montée en gamme insuffisante de l'offre tunisienne.

L'Europe reste le partenaire dominant

L'Union européenne demeure le principal débouché des exportations tunisiennes avec 70,5% du total, soit 40 813,3 millions de dinars contre 39 601,5 millions de dinars en 2024. Cette progression modeste de 3% masque des performances hétérogènes selon les pays. L'Allemagne tire la croissance avec une hausse de 10%, suivie de la France à 8,9% et des Pays-Bas à 4,6%. Ces trois pays confirment leur rôle de locomotives pour les exportations tunisiennes, notamment dans les secteurs automobile, textile et électronique.

Du côté des importations européennes, la tendance est également à la hausse avec 33 804 millions de dinars contre 32 174,8 millions de dinars en 2024, représentant 43,3% du total. La France augmente ses ventes à la Tunisie de 11,4% et l'Allemagne de 8,5%, reflétant la dépendance tunisienne aux biens d'équipement, machines et produits intermédiaires européens. En revanche, les importations depuis la Grèce chutent de 36,9% et celles de la Belgique reculent de 9,1%. 

Hors Union européenne, les dynamiques commerciales sont tout aussi révélatrices. Les importations depuis la Chine bondissent de 22,6%, confirmant la pénétration croissante des produits chinois sur le marché tunisien, qu'il s'agisse de biens de consommation, d'équipements ou de matières premières. La Turquie affiche également une progression soutenue de 14,3%, profitant de sa proximité géographique et de sa compétitivité prix. À l'inverse, les importations russes s'effondrent de 20,9%, conséquence probable des tensions géopolitiques et des difficultés logistiques liées au conflit ukrainien. L'Inde voit ses exportations vers la Tunisie reculer de 4,4%.

L'urgence d'un sursaut

Ce déficit de 20 milliards de dinars, au-delà de son ampleur, agit comme un révélateur des ajustements à opérer. Entre le poids de l'énergie et les défis de compétitivité, la Tunisie fait face à une équation complexe mais soluble. L'enjeu n'est pas seulement de combler le fossé, mais de réinventer un modèle de croissance tourné vers une production locale plus forte et des exportations diversifiées.