
Si la balance commerciale de la Tunisie pour l'année 2024 affiche un déficit global de 18,9 milliards de dinars, selon le dernier rapport sur la Balance des Paiements publié par la Banque Centrale de Tunisie (BCT), ce chiffre brut dissimule une réalité économique à deux vitesses. L'année a été marquée par une performance exceptionnelle du secteur agroalimentaire, portée par l'huile d'olive, qui a tenté de contrebalancer une facture énergétique de plus en plus lourde et des déséquilibres géographiques tenaces.
L'analyse des échanges commerciaux de la Tunisie en 2024 ressemble à un jeu de vases communicants. D'un côté, la nature a été clémente, permettant à l'agriculture de jouer les sauveurs ; de l'autre, la dépendance énergétique et la structure des importations continuent de peser sur les équilibres financiers du pays. Le taux de couverture des importations par les exportations a ainsi légèrement reculé pour s'établir à 76,6%.
C'est la bonne nouvelle du rapport 2024. La balance alimentaire est repassée dans le vert, dégageant un excédent de 1,4 milliard de dinars, contre un déficit l'année précédente. Ce revirement spectaculaire est dû à une conjonction favorable, notamment une baisse des importations de céréales de 18,1% et surtout une explosion des exportations d'huile d'olive.
Surnommée l'or vert, l'huile d'olive tunisienne a rapporté près de 4,9 milliards de dinars, enregistrant une hausse de 27,4%. Fait notable, cette performance ne repose pas sur une hausse des volumes exportés, qui ont légèrement baissé, mais sur un effet prix très favorable avec une augmentation de 29% en euros. La Tunisie a su valoriser sa production sur un marché international demandeur, offrant une bouffée d'oxygène inespérée aux réserves de change.
À l'inverse de l'or vert, l'or noir continue de creuser le déficit. La balance énergétique a enregistré un déficit abyssal de 10,8 milliards de dinars, s'aggravant de plus d'un milliard par rapport à 2023.
La cause est structurelle. La production nationale d'hydrocarbures décline de 16%, obligeant la Tunisie à importer massivement avec une augmentation de 9,1% pour faire tourner son économie, notamment en produits raffinés et en gaz naturel. Ce déficit énergétique absorbe à lui seul une part considérable des richesses créées par les exportations manufacturières.
L'année 2024 confirme également la dualité géographique des échanges tunisiens. Avec l'Union Européenne, son partenaire historique, la Tunisie est excédentaire de 7,7 milliards de dinars. La France, l'Italie et l'Allemagne restent les poumons de l'exportation tunisienne, absorbant des produits à forte valeur ajoutée issus des industries mécaniques et électriques.
Ce tableau idyllique contraste violemment avec les déficits enregistrés vers l'Asie et la Russie. Le déficit commercial avec la Chine a continué de se creuser pour atteindre 9,1 milliards de dinars, représentant près de la moitié du déficit commercial global du pays. De même, les échanges avec la Russie restent très déséquilibrés avec un déficit de 5,4 milliards, plombés par les importations sans contrepartie significative à l'export.
Enfin, une ombre plane sur le secteur manufacturier exportateur. Pour la première fois depuis la reprise post-Covid, les exportations des industries manufacturières ont légèrement reculé de 1%. Le secteur du textile et habillement, baromètre de la santé économique, a vu ses ventes baisser de 4,8%, victime directe du ralentissement de la consommation en Europe.
En résumé, si l'huile d'olive a offert un répit bienvenu en 2024, la structure du commerce extérieur tunisien reste vulnérable. La dépendance aux importations énergétiques et le déséquilibre croissant avec les fournisseurs asiatiques demeurent les défis majeurs pour rétablir durablement la balance commerciale.