Déficit commercial Tunisie : les exportations stagnent face à la flambée des importations

Analyse macro économique
image
mannana dbibi oct. 13, 2025, 7:47 AM

Déficit commercial en hausse : la balance commerciale tunisienne sous pression

Une dégradation inquiétante du solde commercial

Les chiffres du commerce extérieur tunisien pour les neuf premiers mois de 2025 révèlent une détérioration significative de la balance commerciale. Le déficit s'est creusé pour atteindre 16 728,3 millions de dinars (MD), contre 13 497,4 MD durant la même période de 2024, soit une aggravation de près de 24%. Cette tendance négative s'est accentuée au cours du dernier mois, puisque le déficit était de 14 640 MD sur les huit premiers mois de l'année, avant de bondir de plus de 2 milliards de dinars supplémentaires en septembre.

Cette évolution préoccupante s'explique par une croissance asymétrique des échanges commerciaux : alors que les exportations sont restées pratiquement stagnantes avec une progression symbolique de 0,03%, les importations ont bondi de 5,4%.

Le taux de couverture des importations par les exportations constitue un autre signal d'alarme. Il s'est établi à 73,5% en septembre 2025, en recul de 4 points par rapport aux 77,5% enregistrés l'année précédente. Cette baisse témoigne d'un déséquilibre croissant entre les ventes à l'étranger et les achats extérieurs du pays.

Exportations : performance contrastée selon les secteurs

Les secteurs en croissance : phosphates et industries mécaniques

Certains secteurs ont tiré leur épingle du jeu durant cette période. Le secteur des mines, phosphates et dérivés a enregistré une performance remarquable avec une hausse de 8%, confirmant son rôle stratégique dans l'économie d'exportation tunisienne.

Les industries mécaniques et électriques ont également brillé avec une progression de 6,4%, portées par la demande européenne et la compétitivité des entreprises tunisiennes dans ce domaine.

Les secteurs en difficulté : énergie et huile d'olive en chute libre

À l'inverse, plusieurs secteurs clés ont subi des baisses significatives. Le secteur de l'énergie s'est effondré de 34,2%, principalement en raison de la chute des exportations de produits raffinés, passées de 1 466,2 MD à seulement 610,4 MD.

Le secteur agroalimentaire a également enregistré une baisse significative de 14,6%. Ce recul s'explique essentiellement par l'effondrement des exportations d'huile d'olive, dont la valeur a chuté de 4 038,5 MD à 2 915,2 MD, soit une diminution de près de 1 123 MD. Cette contre performance résulte directement de la chute des cours mondiaux de l'huile d'olive, pénalisant ainsi l'un des fleurons traditionnels de l'export tunisien.

Le secteur textile, habillement et cuirs, pilier historique des exportations tunisiennes, a également fléchi de 1,3%, reflétant les défis concurrentiels auxquels fait face cette industrie.

Importations : une croissance généralisée qui pèse sur la balance

Hausse des biens d'équipement et matières premières

Les importations ont connu une augmentation généralisée, portée principalement par les biens d'équipement avec un bond de 16,2% et les matières premières et demi-produits en hausse de 8,1%. Cette tendance suggère une reprise de l'activité industrielle et des investissements, mais pèse lourdement sur la balance commerciale. Les biens de consommation ont également progressé de 11,4%, témoignant d'une demande intérieure soutenue.

Seules exceptions : énergie et produits alimentaires en baisse

Les importations de produits énergétiques ont reculé de 11,8%, une évolution positive qui  s'explique par une baisse des cours internationaux. Les produits alimentaires ont également diminué de 3,5%.

Partenaires commerciaux : l'Europe reste dominante malgré une diversification progressive

Union européenne : 70% des exportations tunisiennes

L'Union européenne demeure le principal débouché des produits tunisiens, absorbant 70,3% des exportations totales. Les échanges avec l'UE ont atteint 32 622,6 MD, en légère hausse par rapport à l'année précédente.

La France reste le premier client de la Tunisie avec 23% des exportations, suivie de l'Italie avec 17%, de l'Allemagne avec 15% et de l'Espagne avec 5%. Les exportations vers l'Allemagne ont progressé de 11,2% et vers la France de 8,4%, tandis que l'Italie a enregistré une baisse de 10,1% et l'Espagne une chute de 20,3%.

Dynamique arabe : des signaux encourageants

Les exportations vers les pays arabes montrent un dynamisme encourageant avec la Libye en hausse de 7,4%, le Maroc de 35,9%, l'Algérie de 11,6% et l'Égypte de 33,5%. Cette diversification géographique représente une opportunité pour réduire la dépendance vis-à-vis du marché européen.

Importations : la Chine s'affirme comme fournisseur majeur

Du côté des importations, l'UE représente 43,2% du total. La Chine s'affirme comme un fournisseur majeur avec 13% des importations, en hausse spectaculaire de 29,4%. La Turquie a également progressé de 17,7%.

En revanche, les importations depuis la Russie ont chuté de 22,8% et celles d'Ukraine de 36,5%, reflétant probablement l'impact du conflit dans la région.

Analyse par groupes de produits : des déséquilibres structurels persistants

Le déficit commercial global de 16 728,3 MD se répartit de manière inégale selon les groupes de produits. L'énergie représente le déficit le plus important avec 8 106,4 MD, suivie des matières premières et demi-produits avec 4 990,8 MD, des biens d'équipement avec 2 693,7 MD et des biens de consommation avec 1 557,4 MD.

Les produits alimentaires constituent la seule catégorie affichant un excédent avec 620 MD, démontrant la capacité de la Tunisie à dégager un surplus dans ce domaine malgré les difficultés de l'huile d'olive.

Il est notable que le déficit commercial hors énergie s'établit à 8 621,9 MD, ce qui signifie que le secteur énergétique pèse pour près de la moitié du déficit total. Cette dépendance énergétique reste un défi majeur pour l'économie tunisienne.

Les défis à relever pour redresser la balance commerciale

Les résultats des neuf premiers mois de 2025 appellent à une réflexion stratégique approfondie. La relance des exportations constitue une priorité absolue face à la stagnation actuelle, nécessitant des mesures urgentes pour stimuler la compétitivité, notamment dans les secteurs traditionnels comme le textile.

La diversification sectorielle s'impose également comme une nécessité. La dépendance excessive à certains produits comme l'huile d'olive et l'énergie expose l'économie à une forte volatilité et aux aléas des marchés internationaux.

La maîtrise des importations représente un autre axe de travail essentiel. La forte croissance des importations de biens d'équipement, bien que révélatrice d'investissements nécessaires, doit être accompagnée d'une stratégie de substitution progressive et de développement de la production locale.

La valorisation des secteurs performants comme les phosphates et les industries mécaniques doit être renforcée pour maintenir leur dynamique positive et compenser les faiblesses d'autres secteurs.

Enfin, la conquête de nouveaux marchés, particulièrement dans les pays arabes où les progressions sont encourageantes, suggère un potentiel important à exploiter davantage pour diversifier les débouchés commerciaux.



Copyright © 2024 Irbe7. Tous droits réservés.