Poulina lance une cession partielle de son pôle agroalimentaire

Analyse Boursiére (BVMT)
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anis habibi oct. 21, 2025, 8:32 AM

Une première en Tunisie qui pourrait redessiner le paysage boursier national.

Le géant industriel tunisien Poulina Group Holding (PGH) vient d'annoncer le lancement d'une opération financière inédite sur le marché tunisien : une cession partielle (carve-out) de son pôle agroalimentaire. Cette manœuvre stratégique, attendue pour le premier semestre 2026, marque un tournant majeur dans l'histoire du groupe fondé il y a près de 60 ans.

Une stratégie d'envergure internationale

L'opération consiste à regrouper l'ensemble des activités agroalimentaires du groupe dans une entité distincte, dont une partie du capital sera introduite en Bourse de Tunis. PGH conservera toutefois sa position d'actionnaire majoritaire, gardant ainsi le contrôle stratégique de ce pôle jugé très performant.

"Ce projet s'inscrit dans une dynamique de création de valeur durable et de modernisation de la structure de notre groupe", a déclaré Mohamed Mahjoub Langar, Directeur Général de PGH. L'objectif affiché : donner une nouvelle impulsion à ce secteur d'activité en facilitant son développement sur les marchés locaux et internationaux, tout en attirant de potentiels partenaires stratégiques et techniques.

Un groupe aux dimensions impressionnantes

Pour comprendre l'ampleur de cette opération, il faut mesurer le poids de PGH dans l'économie tunisienne. Présent dans plus de 120 filiales, le groupe emploie plus de 13 000 personnes et a réalisé en 2024 un chiffre d'affaires de 3,9 milliards de dinars. Ses activités couvrent des secteurs aussi variés que l'aviculture, l'agroalimentaire, l'emballage, la construction ou encore la nutrition animale.

Le processus est déjà en marche, avec l'accompagnement de MAC SA comme conseiller financier. Si tout se déroule comme prévu, cette restructuration devrait être finalisée avant l'été 2026.

Cette initiative pourrait n'être qu'un début. Le groupe a laissé entendre qu'il évaluait la possibilité d'étendre cette stratégie à d'autres pôles jugés stratégiques, en fonction de ses priorités de développement. Une approche qui témoigne d'une volonté de recentrage sur les métiers à fort potentiel, tout en ouvrant de nouvelles opportunités pour les investisseurs.


Comprendre la cession partielle : quand une filiale prend son envol tout en restant dans le giron du groupe

Pour les non-initiés, le concept de "cession partielle" ou "carve-out" peut sembler technique, mais il s'agit en réalité d'une stratégie d'émancipation contrôlée au sein d'un groupe d'entreprises.

Concrètement, PGH va créer une société entièrement nouvelle qui regroupera toutes ses entreprises du secteur agroalimentaire. Cette nouvelle société aura son propre conseil d'administration, ses propres résultats financiers publiés séparément, et surtout, ses propres actions cotées en Bourse. La nuance essentielle est que PGH gardera la majorité des actions, donc le pouvoir de décision final. C'est là toute la subtilité de l'opération, à savoir donner de l'autonomie sans perdre le contrôle.

L'intérêt de cette manœuvre est multiple. D'abord, cela permet de mettre en lumière la vraie valeur de l'activité agroalimentaire qui, noyée dans l'ensemble des activités du groupe, n'était peut-être pas pleinement reconnue par le marché. Quand vous regardez les résultats financiers de PGH aujourd'hui, vous voyez un chiffre global qui mélange l'aviculture, la construction, l'emballage et l'agroalimentaire. Difficile dans ces conditions de mesurer précisément la performance de chaque secteur. Demain, l'agroalimentaire aura ses propres chiffres, clairs et transparents.

Ensuite, cette nouvelle société indépendante pourra lever plus facilement de l'argent si elle veut investir ou se développer, sans que cela impacte les autres activités de PGH. Elle pourra aussi nouer des partenariats spécifiques avec d'autres acteurs du secteur agroalimentaire, ce qui serait peut-être plus compliqué dans le cadre d'un grand groupe diversifié. Un partenaire potentiel préférera souvent traiter avec une entreprise spécialisée plutôt qu'avec un conglomérat aux multiples intérêts.

Pour les investisseurs, c'est une nouvelle opportunité. Ceux qui croient spécifiquement au potentiel de l'agroalimentaire pourront investir directement dans cette branche, sans avoir à acheter des actions de tout le groupe PGH avec ses multiples secteurs. Certains investisseurs s'intéressent uniquement à l'agroalimentaire, d'autres uniquement à la construction. Jusqu'à présent, pour parier sur l'agroalimentaire de PGH, il fallait nécessairement acheter l'ensemble du groupe. Demain, ce ne sera plus le cas.

La grande différence avec une vente pure et simple, c'est que PGH ne se sépare pas vraiment de son activité agroalimentaire. Le groupe reste aux commandes et continue à bénéficier des profits générés. Il partage simplement une partie du capital avec le marché, tout en donnant à cette activité l'autonomie nécessaire pour s'épanouir pleinement. C'est un équilibre subtil entre contrôle et liberté, typique des stratégies financières modernes pratiquées par les grands groupes internationaux, mais encore rare sous nos latitudes.

Une stratégie à double détente

Cette opération de cession partielle intervient dans un contexte où PGH multiplie les manœuvres stratégiques. Début juillet 2025, le groupe avait déjà fait parler de lui en finalisant l'acquisition de près de 30% du capital de la Société d'Articles Hygiéniques (SAH Lilas), pour un montant de 293 millions de dinars, renforçant ainsi sa position dans le secteur des biens de consommation. Cette double dynamique, acquisition d'un côté et cession partielle de l'autre, illustre la stratégie sophistiquée du groupe qui se renforce sur certains segments jugés prometteurs tout en libérant le potentiel d'autres activités par une structuration plus fine. PGH démontre ainsi sa capacité à adopter des pratiques financières avancées qui témoignent de la maturité croissante du groupe.

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