Le président Kaïs Saïed a fermement critiqué la politique d'importation du pays lors d'une réunion tenue hier au palais de Carthage avec le ministre du Commerce et du Développement des exportations, Samir Abid. Le chef de l'État a dénoncé l'allocation “d’énormes sommes en devises étrangères" pour l'importation de biens qu'il juge non essentiels et qui "ne profitent qu'aux importateurs et à un nombre limité de consommateurs".
Ces critiques interviennent dans un contexte particulièrement préoccupant pour la balance commerciale tunisienne. Les dernières données publiées par l'Institut National de la Statistique (INS) révèlent une détérioration significative de la situation. Sur les trois premiers mois de 2025, le déficit commercial a atteint 5050,5 millions de dinars contre 3027,4 MD à la même période de l'année précédente, soit une augmentation alarmante de 66%. Cette aggravation résulte d'un double mouvement défavorable : un recul des exportations de 5,9%, qui s'établissent désormais à 15325,1 MD, conjugué à une progression des importations de 5,5%, culminant à 20375,5 MD.
Conséquence directe de cette évolution, le taux de couverture a sensiblement reculé, passant de 84,3% au premier trimestre 2024 à seulement 75,2% pour la période équivalente en 2025, illustrant la fragilité croissante de la position commerciale du pays.
Le président Saïed a particulièrement souligné le paradoxe de "parler de déséquilibre commercial avec tel ou tel pays, alors que ce qui est importé n'est pas nécessaire et pourrait être produit localement ou dont nous n'avons absolument pas besoin." Ces propos reflètent sa volonté de réduire la dépendance aux importations et de stimuler la production nationale.
"Il est impératif de mettre un terme définitif à cette situation qui grève nos réserves en devises," a déclaré le président, appelant à une révision profonde de la politique commerciale du pays.
Dans le cadre de sa réunion avec le ministre Abid, le président Saïed s'est également attaqué aux dysfonctionnements des circuits de distribution des produits agricoles. "La plupart des agriculteurs souffrent et peinent, et les consommateurs ne souffrent généralement pas moins", a-t-il souligné, pointant du doigt les intermédiaires "qui contrôlent les prix" et "dont le seul souci est le profit, la spéculation et le monopole".
Face à cette situation, le chef de l'État a appelé à "mettre fin à ces circuits" préjudiciables à l'économie nationale. Il a insisté sur la nécessité "non seulement d'intensifier les contrôles, mais aussi de mener des campagnes parallèles dans toutes les régions de la République et via les médias" pour sensibiliser l'opinion publique et encourager une adhésion collective à une nouvelle vision économique.
Le même jour à midi, le président tunisien a également reçu Sara Zaafrani, cheffe du gouvernement, et Michkat Salama Khaldi, ministre des Finances, pour examiner les orientations générales de la loi de finances pour l'année prochaine.
Lors de cet entretien, Kaïs Saïed a insisté sur "la nécessité de rompre définitivement à ce stade que traverse la Tunisie avec les anciennes conceptions" en matière de politique financière. Il a mis l'accent sur deux priorités fondamentales : "accorder la priorité absolue au volet social" et "adopter une fiscalité équitable qui réalise la justice et l'équité souhaitées".
Le chef de l'État a conclu en soulignant que "lorsque la justice prévaut et que l'État retrouve son rôle social naturel, les situations se stabilisent et préparent le terrain pour une croissance réelle dont tous bénéficient".