Le déficit commercial tunisien se creuse : analyse des quatre premiers mois de 2025

Analyse macro économique
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anis habibi mai 13, 2025, 9:46 AM

Les chiffres du commerce extérieur tunisien pour les quatre premiers mois de 2025, tels que publiés par l'Institut National de la Statistique, indiquent une détérioration notable de la balance commerciale. Cette période a été caractérisée par une augmentation significative des importations, qui s'est combinée à une légère baisse des exportations, ce qui a eu pour effet de creuser le déficit commercial par rapport à la même période en 2024. Cette dégradation s'inscrit dans une tendance déjà observée sur le premier trimestre 2025, où le déficit commercial avait atteint 5050,5 millions de dinars contre 3027,4 MD à la même période de l'année précédente, soit une augmentation alarmante de 66%. La situation ne s'est donc pas améliorée avec l'ajout du mois d'avril, confirmant les difficultés persistantes du commerce extérieur tunisien.

Sur les quatre premiers mois de 2025, les exportations tunisiennes ont atteint 20725,2 millions de dinars. Ce chiffre représente une baisse de 2,4% par rapport aux 21245,2 millions de dinars enregistrés durant la même période en 2024. Parallèlement, les importations ont connu une forte progression de 7,8%, s'élevant à 28019,3 millions de dinars contre 25980 millions de dinars un an plus tôt. En conséquence directe de ces évolutions, le déficit commercial s'est considérablement alourdi, passant de 4734,8 millions de dinars à 7294,1 millions de dinars. Le taux de couverture des importations par les exportations a également chuté, passant de 81,8% à 74,0%, ce qui illustre une pression accrue sur la balance des paiements.

Performances sectorielles des exportations : des résultats mitigés

L'analyse sectorielle révèle des dynamiques contrastées. Concernant les exportations, certains secteurs ont affiché une croissance. C'est le cas notamment des industries mécaniques et électriques avec une hausse de 2,6%, du secteur des mines, phosphates et dérivés qui a progressé de 6,1%, et du secteur textile, habillement et cuirs qui a augmenté de 0,1%. Cependant, ces hausses modestes n'ont pas suffi à compenser les reculs significatifs observés dans des secteurs clés. Le secteur de l'énergie, par exemple, a enregistré une chute drastique de 33%, principalement due à la baisse des ventes de produits raffinés, qui sont passées de 621,2 millions de dinars à 105,8 millions de dinars. De même, les industries agroalimentaires ont reculé de 19,2%, une baisse impactée par la diminution des ventes d'huiles d'olives, qui se sont chiffrées à 1758,6 millions de dinars contre 2450,2 millions de dinars.

Importations : croissance tirée par les équipements et les matières premières

Du côté des importations, la hausse a été tirée par plusieurs postes. Les biens d'équipement ont augmenté de 22,1% et les matières premières et demi produits de 11,3%. Ces deux augmentations pourraient suggérer une anticipation d'une amélioration de l'investissement et de l'appareil productif. Les biens de consommation ont également progressé de 15,7% et les produits alimentaires de 0,6%. En revanche, les importations de produits énergétiques ont baissé de 14,2%, ce qui a quelque peu limité l'ampleur de la hausse globale des importations.

Destinations des exportations : contraction en Europe, essor vers les pays arabes

La répartition géographique des échanges montre également des performances variables. Pour les exportations vers l'Union Européenne, qui représentent 70,1% du total, une diminution a été constatée, atteignant 14524,3 millions de dinars contre 15069,2 millions de dinars. Si les ventes vers l'Allemagne ont progressé de 14,3% et celles vers les Pays Bas de 10,2%, celles à destination de la France ont baissé de 1,7%, de l'Italie de 9,4% et surtout de l'Espagne de 33%. En ce qui concerne les pays arabes, une dynamique très positive est observée avec une augmentation des exportations vers la Libye de 36,5%, vers le Maroc de 45,6%, vers l'Algérie de 23,4% et vers l'Égypte de 81,1%.

Origines des Importations : hausse depuis l'UE et la Chine

Pour les importations, celles en provenance de l'Union Européenne, comptant pour 43,3% du total, ont augmenté, passant de 11451,6 millions de dinars à 12139,6 millions de dinars. Cette hausse a été tirée par la France avec plus 12,3%, l'Italie avec plus 8,2% et l'Allemagne avec plus 10,5%. Des baisses ont cependant été notées avec la Grèce à moins 33,6% et la Belgique à moins 5,3%. Hors Union Européenne, une forte hausse des importations depuis la Chine, de 54,1%, et la Turquie, de 14,6%, a été enregistrée. En revanche, les importations depuis la Russie ont diminué de 14,1% et celles depuis l'Ukraine de 15,8%.

Analyse du solde par groupes de produits : Le poids de l'énergie et l'excédent alimentaire

L'analyse du solde par groupes de produits montre que le déficit global de 7294,1 millions de dinars provient principalement du déficit énergétique qui s'élève à 3683,3 millions de dinars, suivi par celui des matières premières et demi produits à 2462,2 millions de dinars, et des biens d'équipement à 1179,6 millions de dinars. Le groupe alimentation, en revanche, a enregistré un excédent notable de 633,3 millions de dinars. Il est important de souligner que le déficit commercial hors énergie se chiffre à 3610,9 millions de dinars. Le déficit énergétique spécifique s'est toutefois amélioré par rapport à la même période en 2024, où il s'établissait à 4026,3 millions de dinars.

Synthèse et défis : entre signaux d'Investissement et pressions sur la balance

En conclusion, les premiers mois de 2025 dessinent un tableau préoccupant pour le commerce extérieur tunisien, avec un creusement significatif du déficit. Si la hausse des importations de biens d'équipement peut être interprétée comme un signe avant coureur d'une relance de l'investissement, la baisse des exportations dans des secteurs traditionnellement porteurs comme l'énergie et l'agroalimentaire, notamment l'huile d'olive, constitue un défi majeur. La dynamique positive des exportations vers les pays arabes et l'excédent enregistré par le secteur alimentaire sont des points encourageants, mais des efforts structurels restent nécessaires pour rééquilibrer la balance commerciale et renforcer la résilience de l'économie tunisienne.

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