Une récente enquête de la Banque mondiale, "Enterprise Surveys - What Businesses Experience: Tunisie 2024" (WBES), dresse un portrait détaillé du secteur privé tunisien, révélant à la fois ses forces et les défis auxquels il fait face. Cette étude, menée auprès de 645 entreprises entre mars 2024 et mars 2025, offre un aperçu précieux de l'environnement commercial dans le pays.
L'économie tunisienne montre des signes de résilience avec une croissance annuelle de l'emploi de 5% et une croissance du chiffre d'affaires réel de 6,4% - des performances supérieures à la moyenne régionale du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA). Cette dynamique est particulièrement notable dans les grandes entreprises qui affichent une croissance du chiffre d'affaires de 10,5%.
Cependant, l'accès au financement demeure le principal obstacle cité par 28,6% des entreprises interrogées, en particulier pour les petites structures (35,6%). Les taux d'imposition (16,6%) et les pratiques du secteur informel (9,2%) complètent le podium des préoccupations majeures.
La participation des femmes dans l'économie tunisienne se distingue positivement avec 39,7% d'employées permanentes à temps plein - un taux nettement supérieur à la moyenne régionale (20,3%). Dans le secteur manufacturier, les femmes représentent 46,1% des ouvriers de production, bien au-dessus de la moyenne régionale de 17,7%.
Toutefois, le plafond de verre persiste : seules 9% des entreprises sont dirigées par des femmes, et 18,6% comptent des femmes parmi leurs actionnaires - des chiffres inférieurs aux moyennes des pays à revenu intermédiaire inférieur (31,4%).
En matière d'infrastructures, la Tunisie présente un bilan mitigé. Si les coupures d'électricité sont moins fréquentes (0,4 par mois) qu'ailleurs dans la région (1,9), les délais d'obtention d'un raccordement électrique restent longs (110 jours contre 68 jours pour la région MENA).
Le commerce international constitue un pilier important de l'économie, avec 27% des entreprises qui exportent directement - presque deux fois plus que la moyenne régionale (14,3%). Les procédures douanières tunisiennes semblent également plus efficaces, avec des délais de 3,6 jours pour les exportations contre 5,7 jours pour la région.
Le capital humain fait l'objet d'investissements significatifs : 26,7% des entreprises proposent des formations formelles à leurs employés, et parmi celles-ci, 50,4% des travailleurs en bénéficient. L'indice des pratiques de gestion (50,3) place la Tunisie légèrement au-dessus de la moyenne des pays à revenu intermédiaire inférieur (48,4).
La bureaucratie mobilise 5,9% du temps des cadres, un chiffre légèrement supérieur à la moyenne régionale (5,6%). Les délais d'obtention de permis constituent un frein notable, particulièrement pour les autorisations d'exploitation qui prennent en moyenne 111,4 jours.
Sur le plan de la corruption, la Tunisie affiche des résultats encourageants : seules 8,1% des entreprises ont fait l'objet de demandes de pots-de-vin, contre 14,6% dans la région MENA.
Cette enquête révèle une économie tunisienne en croissance mais confrontée à des défis structurels importants. Si le secteur privé démontre une vitalité remarquable avec des performances supérieures aux moyennes régionales en termes de croissance et d'exportations, l'accès au financement, les lourdeurs administratives et la concurrence du secteur informel constituent des freins significatifs à son développement.
Les atouts majeurs du pays résident dans sa main-d'œuvre féminine bien intégrée, ses pratiques de gestion relativement avancées et sa relative intégration aux marchés internationaux. Pour consolider sa croissance, la Tunisie devra toutefois améliorer l'accès au crédit, réduire les délais administratifs et moderniser ses infrastructures.