Tunisie : le taux d'inflation baisse à 4,9% en octobre 2025

Analyse macro économique
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anis habibi nov. 5, 2025, 4:29 PM

Un recul timide mais significatif du taux d'inflation

L'Institut National de la Statistique vient de publier les derniers chiffres de l'indice des prix à la consommation pour le mois d'octobre 2025, révélant une légère décélération de l'inflation. Le taux d'inflation s'établit à 4,9%, en baisse de 0,1 point par rapport au mois de septembre où il atteignait 5%. Cette tendance baissière, bien que modeste, marque une évolution positive dans un contexte économique toujours sous pression.

Cette décrue s'explique principalement par deux facteurs : le ralentissement du rythme de progression des prix des produits alimentaires, passant de 5,7% à 5,6%, et surtout la forte décélération observée dans le secteur de la restauration, des cafés et de l'hôtellerie, dont les prix ont augmenté de 7,5% contre 10,1% le mois précédent.

Les produits alimentaires : entre hausses et baisses contrastées

Des légumes et viandes en forte tension

Le secteur alimentaire continue d'exercer une pression significative sur le pouvoir d'achat des ménages tunisiens. En glissement annuel, les prix alimentaires affichent une hausse de 5,6%, tirée notamment par les légumes frais qui explosent avec une augmentation de 21,4%, la viande d'agneau en hausse de 18,8%, les poissons frais qui progressent de 9,9%, la viande bovine avec une augmentation de 9,8% et les fruits frais en hausse de 9,2%.

Sur le plan mensuel, les légumes frais continuent leur ascension avec une progression de 1,3% en octobre, tandis que les huiles alimentaires connaissent une légère remontée de 0,7% après des mois de baisse. Les prix des dérivés de céréales ont également augmenté de 0,3%, contribuant ainsi à la tension générale sur les produits de base.

Une lueur d'espoir : l'effondrement des prix des huiles

Le point positif réside dans la chute spectaculaire des prix des huiles alimentaires, qui enregistrent une baisse de 22,2% sur un an. Les légumes secs ont également connu une légère baisse de 1,3% en glissement annuel.

Par ailleurs, certaines protéines animales ont connu une baisse mensuelle : la viande ovine a reculé de 1,3% et la volaille de 0,4% en octobre. Les fruits frais ont également enregistré une légère diminution de 0,1% sur le mois, offrant ainsi un répit aux consommateurs après plusieurs mois de hausse continue.

Produits manufacturés et services : une inflation persistante

L'habillement et les chaussures en tête

Les produits manufacturés affichent une hausse globale de 5% sur un an, principalement impulsée par les articles d'habillement et chaussures avec une augmentation de 9,2% et les produits d'entretien courant du foyer en hausse de 5%. Cette dynamique inflationniste dans le secteur manufacturier reflète à la fois les tensions sur les coûts de production et les pressions liées aux importations.

Le mois d'octobre a été particulièrement marqué par une flambée des prix de l'habillement qui ont bondi de 6,4%, résultant de la fin de la période des soldes d'été. Les chaussures ont connu la plus forte augmentation avec 7,4%, suivies des vêtements à 6,3%. Même les tissus et accessoires ont connu des hausses respectives de 1,6% et 2,1%, témoignant d'une remontée généralisée des prix dans ce secteur après la période promotionnelle.

Les services en légère accalmie

Les services connaissent une augmentation de 4,2% en glissement annuel, portée essentiellement par le secteur de la restauration, des cafés et de l'hôtellerie qui affiche une hausse de 7,5%. Néanmoins, ce dernier montre des signes encourageants de ralentissement après avoir culminé à 10,1% le mois précédent, soit une décélération de 2,6 points en un seul mois.

Les autres secteurs de services maintiennent une progression plus modérée, avec notamment les communications qui n'augmentent que de 0,7% sur un an, les transports à 3%, et la santé à 3,7%. L'enseignement enregistre quant à lui une hausse de 5,5%, reflétant les ajustements tarifaires en début d'année scolaire.

L'inflation sous-jacente et les produits encadrés

Une inflation sous-jacente en baisse

L'inflation sous-jacente, qui exclut les produits alimentaires et l'énergie pour mieux refléter les tendances de fond, s'établit à 5,1% en octobre contre 5,2% en septembre. Cette légère amélioration suggère une pression inflationniste moins intense dans les secteurs non volatils de l'économie. Ce recul, même minime, constitue un indicateur important pour les décideurs politiques car il reflète les dynamiques structurelles de l'inflation plutôt que les fluctuations conjoncturelles.

Le système de prix administrés montre son efficacité

L'analyse par régime de prix révèle des disparités importantes qui témoignent de l'impact des politiques de contrôle des prix. Les produits libres, c'est-à-dire non encadrés, augmentent de 6% sur un an, tandis que les produits encadrés ne progressent que de 1,1%. Cette différence de près de cinq points démontre l'efficacité des mesures de régulation mises en place par les autorités.

Dans le secteur alimentaire, le contraste est encore plus marqué. Les produits alimentaires libres connaissent une hausse de 6,4%, alors que les produits alimentaires à prix encadrés n'augmentent que de 0,2%. Ces chiffres démontrent l'efficacité relative du système de contrôle des prix mis en place par les autorités pour protéger le pouvoir d'achat des ménages sur les produits essentiels tels que le pain, le lait, et certaines huiles de base.

Contributions sectorielles à l'inflation

L'analyse des contributions à l'inflation globale révèle une structure intéressante de la dynamique des prix en Tunisie. Les produits non alimentaires libres constituent le principal moteur de l'inflation avec une contribution de 3,1%, suivis par les produits manufacturés qui contribuent à hauteur de 1,9%. Les produits alimentaires libres apportent quant à eux une contribution de 1,6%, tandis que les services participent à l'inflation à hauteur de 1,4%.

Cette répartition montre que l'inflation tunisienne est désormais davantage tirée par les produits manufacturés et les services que par l'alimentation seule, ce qui reflète une transformation structurelle de la dynamique inflationniste. L'énergie, en revanche, ne contribue que marginalement à l'inflation actuelle, témoignant d'une relative stabilité des prix dans ce secteur stratégique.

Des tendances encourageantes mais fragiles

Le recul de l'inflation à 4,9% constitue un signal positif qui s'inscrit dans une tendance baissière amorcée depuis le pic de 10,4% atteint en avril 2023. Cette décrue progressive témoigne des efforts déployés par les autorités monétaires et économiques pour maîtriser les pressions inflationnistes. Cependant, la Tunisie reste confrontée à des défis majeurs qui pourraient compromettre cette trajectoire favorable.

La volatilité des prix des produits frais continue de peser lourdement sur les budgets des ménages, avec des variations parfois spectaculaires d'un mois à l'autre. Les tensions géopolitiques internationales et leur impact sur les prix des matières premières représentent également une menace constante. Par ailleurs, la dépendance structurelle de la Tunisie aux importations, notamment pour les céréales et les hydrocarbures, expose le pays aux chocs externes et aux fluctuations des marchés mondiaux.

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