Ridha Chkoundali prédit une année 2024 extrêmement difficile pour le remboursement des dettes de la Tunisie

Analyse macro économique
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anis habibi Jan 3, 2024, 9:03 AM

Lors d'une interview avec l'agence TAP, le professeur universitaire et expert économique Ridha Chkoundali estime que l'année 2024 sera "extrêmement difficile en ce qui concerne le remboursement des dettes intérieures et extérieures, d'autant plus que le montant est très élevé, atteignant 24,7 milliards de dinars, dont 12,3 milliards de dinars de dettes extérieures. Cela signifie que la Tunisie doit sécuriser cette somme au moins pour rembourser ces dettes".


Chkoundali considère que "la vision n'est pas encore claire en ce qui concerne la mobilisation du montant de 16,4 milliards de dinars en tant que prêts extérieurs spécifiés dans le budget de l'État, dont 14,5 milliards de dinars pour soutenir le budget. L'origine de cette mobilisation demeure inconnue, à l'exception de la somme de 4,2 milliards de dinars." Il qualifie cela de "très grave et indique que cela projette l'avenir du pays vers l'inconnu."


Il interroge sur les sources à partir desquelles la Tunisie obtiendra ces fonds, surtout qu'il n'est pas mentionné officiellement dans la loi de finances pour 2024, s'il y aura un accord avec le Fonds monétaire international, l'Union européenne, la France, l'Allemagne, ou l'Italie. Ces pays ont généralement lié leur disposition à prêter à la Tunisie à son engagement dans un programme de réformes économiques avec le FMI.


L'expert économique exclut que la Tunisie obtienne ces financements du groupe BRICS, car il n'accorde pas de prêts en dollars ou en euros, sinon il échouerait dans sa mission principale, qui est de saper le dollar, selon son estimation.


Dans ce contexte, il rappelle que l'endettement extérieur de la Tunisie s'est aggravé de 3 milliards de dinars, passant de 7,6 milliards de dinars en 2022 à 10,6 milliards de dinars en 2023, et les dons extérieurs ont été multipliés par plus de 4, passant de 354 millions de dinars en 2022 à 1537 millions de dinars pour toute l'année 2023. Cela signifie que le gouvernement tunisien en 2023 a principalement compté sur l'endettement extérieur, contrairement à la volonté politique du président de la République de recourir à l'autosuffisance.


Il souligne que les perspectives de croissance économique en Tunisie en 2024 dépendent étroitement de la clarté de la vision économique que le gouvernement adoptera. Il note que le taux de croissance économique est passé de 4% en 2021 à 2,2% en 2022 et pourrait encore diminuer, probablement en dessous des nouvelles estimations du budget économique, à 0,9%.


Ridha Chkoundali présente trois scénarios. Le premier implique l'application du contenu de la loi de finances pour 2024, ce qui signifie qu'il n'y aurait pas de coopération avec le Fonds monétaire international. Selon lui, cela "exigerait une capacité extraordinaire à convaincre les pays frères et amis de prêter à la Tunisie et de percevoir un montant de 10,3 milliards de dinars, dont la source est actuellement inconnue".


Il considère ce scénario comme "très dangereux" et estime qu'il pourrait conduire le pays vers des conséquences indésirables. Convaincre les pays arabes et européens de prêter à la Tunisie sans entreprendre un programme de réformes soutenu par le FMI serait difficile, selon lui.


Le deuxième scénario propose de mettre en œuvre le contenu du discours du président, Kais Saied, axé principalement sur la purification de l'administration et la réforme des institutions publiques en rationalisant leur gouvernance et en éliminant les monopoles et l'économie de rente.


Chkoundali estime que la mise en œuvre de ce scénario nécessiterait du temps pour donner des résultats concrets, ce qui ne permettrait pas au pays de sortir de l'impasse économique et financière au cours de l'année à venir.


Le troisième scénario suggère une combinaison des deux premiers en appliquant la loi de finances pour 2024 et en élaborant un programme de sauvetage financier basé sur quatre axes pour combler le déficit financier de 10,3 milliards de dinars. Ces axes concernent la relance du secteur du phosphate en assurant sa production et son transfert aux complexes chimiques par l'armée tunisienne, l'encouragement des Tunisiens à l'étranger à ouvrir des comptes en devises et à bénéficier des intérêts qui en découlent, la réduction des impôts sur les bénéfices des entreprises exportatrices pour retrouver leur compétitivité, et l'adoption d'une amnistie fiscale complète sur les fonds circulant en devises étrangères sur les marchés parallèles.


Chkoundali considère que ce scénario propose un programme de réformes majeures pour la fonction publique, les institutions publiques, et le climat des affaires, mais avec une approche différente de celle des réformes convenues en octobre 2022 avec le Fonds monétaire international. Selon lui, cette approche pourrait convaincre le FMI de l'efficacité de ces réformes pour atteindre les grands objectifs bénéfiques pour le pays, tels que l'amélioration des taux de croissance économique, l'amélioration du pouvoir d'achat des citoyens tunisiens, et le rétablissement des équilibres financiers intérieurs et extérieurs souhaités par le FMI.



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