Sans rapports extra-financiers solides, pas de crédibilité. Sans rapports comptables aux normes voulues et sans organismes tiers vérificateurs, pas de marché. Les entreprises tunisiennes ne doivent pas céder à la facilité et au « washing », investir dans les compétences ESG pour convertir leurs données en véritable monnaie de confiance.
La finance durable n'est pas une mode passagère, mais une discipline un pilier stratégique pour naviguer dans tous les marchés boursiers (y compris Tunisien) de plus en plus volatils, influencés par les risques climatiques, sociaux et réglementaires. Entreprises, investisseurs, banques, fonds d’investissement et autres acteurs peu familiarisés avec les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance), doivent les considérer dorénavant comme un outil d'analyse avancé: ils évaluent non seulement les profits immédiats, mais aussi la résilience à long terme des entreprises dans une chaîne de valeur (fournisseurs, clients, parties prenante). L’analyse intègre des facteurs comme la réduction des émissions de CO2, les pratiques sociales équitables et une gouvernance transparente etc. avec l’objectif de transformer les risques en opportunités de rendement stable.
Les entreprises fortes en ESG attirent des capitaux à moindre coût, innovent dans des secteurs en croissance (comme les énergies renouvelables) et évitent les pièges coûteux comme les litiges environnementaux.
« …notably, a significant majority are willing to pay a premium for companies that demonstrate a clear link between their ESG efforts and their financial performance » World Economic Forum – Jan. 25
Le challenge commercial et financier qui se pose à l’entreprise et à l’écosystème sera d’accélérer l’adoption, de soutenir la mutation et développer une culture de la fiabilité. C’est une chaîne de valeur qui implique des acteurs et des expertises…
Traditionnellement, les investisseurs se concentrent sur les rendements à court terme. La finance durable change la donne en intégrant la durabilité comme un facteur de performance active. Par exemple, des prêts verts réduisent les taux d'intérêt pour les projets éco-responsables, tandis que les marchés des technologies propres offrent de nouveaux gisements de croissance.
Des études montrent que les entreprises avec de solides performances ESG bénéficient souvent d'une prime de valorisation de 10 à 30 % par rapport à leurs pairs. Quant aux fonds durables, ils gèrent désormais plus de 3,5 billions de dollars d'actifs globaux au deuxième trimestre 2025, en hausse de près de 10 % par rapport au trimestre précédent. Pour vous, cela se traduit par une plus grande liquidité sur les bourses comme Euronext ou Wall Street, où les indices ESG (tels que le Dow Jones Sustainability Index) surpassent souvent les benchmarks traditionnels sur le long terme.
La finance durable repose sur une modélisation rigoureuse pour convertir les données ESG en impacts financiers concrets : Il faudra dorénavant ajuster les prévisions de flux de trésorerie (DCF) en intégrant des scénarios climatiques, comme l'impact d'une hausse des taxes carbone sur les coûts opérationnels, ou des risques sociaux comme une grève prolongée. Des outils, tels que le Value at Risk (VaR) climatique, ajoutent une couche de précision aux analyses boursières habituelles, aidant à identifier les actions sous-évaluées ou surévaluées en fonction de leur exposition ESG.
La fiabilité des données est essentielle pour des décisions d'investissement éclairées. C’est une chaîne de confiance bâtie autour d’intervenants et d’acteurs individuels (consultants, experts, etc.) et surtout une motivation, une organisation et l’adoption d’outils spécifiques dans l’entreprise. Nous présenterons les principaux acteurs pour une meilleure compréhension de l’articulation.
C'est le fondement des rapports financiers : bilans et comptes de résultats audités, les états financiers et rapports des Commissaires aux Comptes sous des normes comme les IFRS. De plus en plus, ces normes intègrent l'ESG, par exemple via des provisions pour risques environnementaux (comme des coûts de dépollution futurs), assurant une vue réaliste des actifs et passifs.
Ces rapports quantifient l'empreinte réelle des entreprises, des émissions de CO2 à la gestion des chaînes d'approvisionnement. En Europe, la directive CSRD impose une transparence accrue : les grandes entreprises (déjà soumises à la NFRD) rapportent pour l'exercice 2024 (publication en 2025), tandis que d'autres grandes entreprises suivent pour 2025 (publication en 2026) tout comme les PME/ETI cotées pour 2026.
À terme, on estime qu’environ 50 000 entreprises européennes seront concernées d'ici 2028, avec un principe de "double matérialité" évaluant à la fois l'impact sur l'environnement et les retombées financières. Cette « obligation » englobe les entreprises tunisiennes qui fournissent toutes les entreprises concernées par l’obligation de reporting, dans certains cas les entreprises clientes devront adopter une démarche similaire pour conserver leur compétitivité et l’accès au financement.
Des normes globales comme IFRS S1 (durabilité générale) et S2 (climat) standardisent ces disclosures pour une comparabilité mondiale.
Pour contrer le greenwashing, des organismes tiers (souvent des cabinets accrédités) fournissent une assurance sur ces données ESG, vérifiant leur cohérence avec les états financiers. Sans cette étape, les investisseurs risquent des erreurs coûteuses.
En bref, les rapports ESG enrichissent vos analyses, la comptabilité les ancre dans la réalité financière, et la vérification indépendante garantit une interopérabilité totale – un atout indispensable pour anticiper les fluctuations boursières liées aux enjeux durables.
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) européenne a des répercussions directes sur les entreprises tunisiennes. En effet, les entreprises tunisiennes qui fournissent des entreprises européennes devront se conformer à ces normes pour maintenir leur compétitivité et leur accès au financement. Elles doivent se structurer et s’organiser pour fournir des données précises et vérifiables sur leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance. Cette exigence est en fait une opportunité de se positionner comme des partenaires fiables et durables sur le marché européen.
Derrière l’opportunité se cache le défi qui réside dans la transition de la simple collecte de données à la création de rapports fiables et vérifiables. Cette transformation nécessite une évolution culturelle et opérationnelle, où la fiabilité des données devient la règle.
Le plus important sera d'éviter les pièges du "washing" (greenwashing, social washing, etc.), qui consiste à donner une image trompeuse de leurs pratiques ESG. Au lieu de « céder » à la facilité, des investissements dans le développement de compétences ESG doivent être consentis par les entreprises mais aussi par l’écosystème.
L'adoption des normes ESG et du reporting peut jouer un rôle clé dans la dynamisation du marché boursier tunisien par l’attraction d’investisseurs, de fonds étrangers et en favorisant des introductions et des émissions (obligations vertes).
Attraction des investisseurs : Les investisseurs sont de plus en plus soucieux des critères ESG dans leurs décisions d'investissement. En fournissant des informations fiables et transparentes sur leurs pratiques ESG, les entreprises peuvent attirer des capitaux supplémentaires et diversifier leurs sources de financement. Une étude de McKinsey a montré que les entreprises avec des pratiques ESG solides attirent plus d'investisseurs et ont un coût du capital plus bas.
Transparence et confiance : Le reporting ESG améliore la transparence et la confiance dans le marché boursier. Les investisseurs sont plus enclins à investir dans des entreprises qui fournissent des informations complètes et vérifiables sur leurs pratiques ESG. Cette transparence accrue peut conduire à une augmentation de la liquidité et à une réduction du coût du capital pour les entreprises cotées.
Création de valeur à long terme : Les entreprises qui adoptent des pratiques ESG solides sont souvent perçues comme moins risquées et plus résilientes face aux chocs économiques et environnementaux puisqu’elles les cartographient, les analysent et développent des plans pour réduire les incertitudes et parer aux aléa . Cela peut se traduire par une meilleure performance boursière et une augmentation de la valeur actionnariale.
La finance durable n'est pas une option ; c'est l'approche informée qui distingue les investisseurs gagnants dans un marché en évolution rapide. Elle forge une vision de l’investissement plus résilient en alignant, de manière mesurable et vérifiée, la rentabilité, la responsabilité et la fiabilité.
Le spécialiste de la finance durable est l'architecte de la triple performance. Il doit maîtriser l'interprétation des états financiers, l'analyse des rapports ESG vérifiés (extra-comptable et OTV), et l’intégration des données dans les modélisations.
L'ensemble — rapports ESG, comptabilité, et vérification indépendante — garantit une interopérabilité totale, un atout indispensable pour anticiper les fluctuations boursières liées aux enjeux durables.
Pour les acteurs économiques tunisiens, des entreprises aux banques, la voie est claire : adopter les critères ESG non pas comme une contrainte, mais comme un outil d'analyse avancé qui évalue la résilience à long terme de toute la chaîne de valeur. En transformant les risques (climatiques, sociaux, réglementaires) en opportunités de rendement stable, la finance durable s'impose comme la clé de la compétitivité future.
Avec l’accélération de la publication des rapports (13 en 2025), le marché boursier Tunisien, ainsi que les institutions financières locales doivent continuer à soutenir la démarche et primer les plus performants, toujours avec l’objectif de transformer cette obligation de transparence en un moteur de performance en primant l'excellence (récompenser les pionniers) et renforçant la liquidité sur les bourses et en garantissant la confiance (exiger une vérification indépendante pour contrer le «washing »)
Pour l'investisseur averti : investir dans valeurs qui ont un reporting ESG réduit nettement les aléas et les risques, avec un bonus de performance….
1 In Article "Why ESG initiatives need a solid economic foundation," - World Economic Forum – 28 Jan. 25