Selon les résultats provisoires de l'exécution du Budget à fin Juin 2024, récemment publiés par le Ministère des Finances tunisien, l'état des finances publiques du pays présente un tableau contrasté, mêlant signes encourageants et défis persistants.
Au premier semestre 2024, les recettes totales ont connu une progression notable, atteignant 23 254,6 millions de dinars tunisiens (MDT), soit une hausse de 13% par rapport à la même période en 2023. Cette embellie s'explique principalement par une amélioration sensible des recettes fiscales, qui ont bondi de 10,3% pour s'établir à 20 870,1 MDT. Les impôts directs se sont particulièrement distingués, affichant une croissance de 15,9%, portée notamment par une augmentation spectaculaire de l'impôt sur les sociétés (+31,8%).
Cependant, cette amélioration des recettes doit être mise en perspective avec l'évolution des dépenses. Les dépenses totales ont augmenté de 8,2% pour atteindre 22 235,1 MDT. Bien que ce taux soit inférieur à celui des recettes, certains postes de dépenses ont connu des hausses significatives qui méritent une attention particulière.
Un point préoccupant est la forte augmentation des charges de financement (intérêts de la dette), qui ont bondi de 36,1% pour atteindre 3 270,9 MDT. Cette hausse s'explique principalement par deux facteurs. Le premier est un changement significatif dans la structure de la dette publique, avec la part de la dette intérieure passant de 42,7% à 51,1%, ce qui entraîne des coûts d'intérêts plus élevés. Le second est une forte augmentation des emprunts intérieurs nets, qui sont passés de -274,7 MDT à 8 354,1 MDT. L'analyse de la composition des charges de financement confirme ces observations. Les intérêts sur la dette intérieure ont augmenté de 52,2%, tandis que ceux sur la dette extérieure n'ont progressé que de 13,4%. Cette évolution reflète clairement le basculement vers l'endettement intérieur et ses conséquences sur les coûts de financement de l'État.
Parallèlement, l'encours total de la dette publique a poursuivi sa tendance à la hausse, atteignant 127 350,8 MDT à fin juin 2024, contre 119 525,9 MDT à la même période en 2023, soit une augmentation de 6,5%. Cette progression maintient le ratio de la dette publique à 79,8% du PIB, un niveau qui reste élevé et préoccupant. La composition de cette dette a évolué, reflétant le changement de stratégie de financement de l'État. Cette évolution de la structure de la dette, bien qu'elle réduise l'exposition aux risques de change, soulève des questions sur les coûts de financement à long terme et la capacité de l'État à mobiliser des ressources sur le marché intérieur sans évincer le secteur privé.
Malgré l'augmentation des charges de financement, le solde budgétaire a connu une amélioration. À fin juin 2024, il affiche un excédent de 488,7 MDT, en hausse par rapport à l'excédent de 26,3 MDT enregistré à la même période en 2023. Cette amélioration du solde budgétaire témoigne d'une progression plus rapide des recettes par rapport aux dépenses. Cependant, il est important de noter que cette amélioration intervient dans un contexte d'augmentation significative de l'endettement, notamment intérieur, ce qui soulève des questions sur la soutenabilité à long terme de cette tendance.
Les chiffres montrent une amélioration de certains indicateurs budgétaires, mais la situation des finances publiques tunisiennes reste fragile. L'augmentation significative des charges de la dette et le niveau élevé de l'endettement public représentent des défis majeurs.